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Le court-termisme ou l’illusion du temps | Le blog des democrates lillois
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Le court-termisme ou l’illusion du temps

d-boll

« Cette crise signe l’échec du capitalisme financier, reposant sur le profit à court terme, l’exploitation intenable des ressources naturelles, l’autorégulation et le recours massif à la dette. (…) C’est le résultat de systèmes économiques uniquement tournés vers le présent, la consommation et le profit immédiats. C’est pourquoi nous inscrirons dans la Constitution l’obligation de la protection des générations futures, véritable sens du développement soutenable.« 

Extrait du « Projet humaniste » adopté le dimanche 6 décembre 2009 par le Mouvement Démocrate lors du Congrès d’Arras.

Pour continuer la réflexion sur la conception du temps en cette période de crise je publie aujourd’hui un extrait d’un article de Tommaso Padoa-Schioppa, intitulé « Changer de perspective » et paru dans la revue Commentaire du printemps 2009. Pour l’auteur cette crise montre qu’il faut choisir une nouvelle route et voir bien au-delà. L’éclatement de la bulle immobilière, la crise financière et la panique qui ont suivi ne doivent pas masquer que les causes profondes des bouleversements actuels tiennent aux déséquilibres économiques globaux et à un modèle de croissance sans épargne. L’auteur désigne les trois maux dont il faut se guérir : le fétichisme du marché, le nationalisme et l’illusion du court terme.


Résumé :

Le fétichisme ou fondamentalisme du marché : pour l’auteur cette idée radicale que les marchés en général, et les marchés financiers en particulier, sont capables de se réguler eux-mêmes, idée qui a guidé la pensée économique des 30 dernières années, est fallacieuse et a eu pour conséquence l’abdication par les autorités publiques (hommes politiques et fonctionnaires) de leurs responsabilités institutionnelles. Pour autant, l’excès qui a mené à la catastrophe ne doit pas ouvrir la voie à un excès inverse qui en cessant « subitement » de croire au marché (et à l’ «anarchie économique»), se rallie à de larges interventions publiques désordonnées sur les marchés («intrusion gouvernementale» pour «sauver» le marché).

Réduire la coupure entre les marchés et les politiques nationales : le commerce international se développe plus vite que le PIB mondial, la mobilité internationale du capital ne rencontre pas d’obstacles, les techniques d’information et de communication permettent même aux services d’être exportés. Or les institutions de politique publique sont restées les prérogatives exclusives des Etats-nations, et le retard des décisions économiques concernant la Grèce nous l’a encore prouvé récemment. Il est évident que dans cette situation le marché mondial ne peut être qu’instable et ne peut que fonctionner mal. Les timides communiqués publiés à la suite des sommets internationaux, déclarant qu’il faut corriger les déséquilibres globaux, ne sont jamais suivis de pressions réelles et moins encore d’action résolue (sans parler des contournements des « règles » facilités par l’existence de centres offshore).

Dans la suite de son article que je reproduis ici , l’auteur évoque donc la 3e cause de la crise selon lui, le court-termisme, et plus généralement le rapport du politique au temps:

Le court-termisme ou l’illusion du temps,

par Tommaso Padoa-Schioppa

« La crise trouve enfin ses racines dans une troisième défaillance due à la forme particulière du système de marché qui a dominé les dernières années : le rétrécissement excessif des horizons temporels dans la conduite des affaires tant privées que publiques. Le court-termisme – trait de notre comportement qui relève plus du domaine des habitudes sociales et des attitudes psychologiques que de celui des idées ou des institutions – montre que nous n’avons pas encore appris à maîtriser le changement révolutionnaire que la technologie moderne a apporté à l’échelle du temps.

Le court-termisme s’est répandu dans toute la société anglo-saxonne et au-delà. Le signe le plus évident en est l’élimination de l’épargne, parce que celle-ci est l’essence même de l’incorporation du temps dans les décisions économiques. Nous épargnons pour l’avenir, mais, si le futur n’a pas de valeur parce que nous ne regardons pas au-delà d’aujourd’hui, pourquoi épargnerions-nous ? Le modèle de « croissance sans épargne » (…) ne peut durer que si quelqu’un d’autre épargne et prête ; lorsque le prêteur demande à être remboursé ou cesse de prêter, la maxime d’Herbert Stein devient vraie. Une autre preuve de la diffusion du court-termisme est le rétrécissement de l’horizon temporel de la politique économique et du processus politique en général. Les gouvernements élus ne bénéficient plus de toute la durée de leur mandat ; leur légitimité de facto, et donc leur force, ne dure que pour autant qu’ils sont soutenus par des sondages d’opinion, comme s’ils devaient être réélus en permanence. Planifier une politique économique pluriannuelle est un investissement politique très risqué auquel peu d’hommes politiques osent se livrer et il est d’ailleurs possible qu’en tant que profession, la politique n’attire pas les individus enclins à penser à plus long terme. Cela signifie qu’aux États-Unis, par exemple, où le mandat présidentiel dure quatre ans et la campagne électorale au moins deux, l’administration en exercice a besoin d’une économie qui ne cesse de croître et est presque obligée d’agir avec des horizons à court terme.

Le raccourcissement de l’échelle du temps a d’autres manifestations, apparemment moins fondamentales et simplement techniques qui ont cependant joué un rôle important en préparant le terrain pour la crise, le passage d’un système financier fondé sur la banque à un système fondé sur le marché, l’essor du modèle financier « octroi puis cession » et le développement de la titrisation et des instruments négociables (la transformation de l’habit financier, passé du sur mesure au prêt-à-porter) sont tous des changements qui encouragent des calculs économiques fondés sur un horizon limité. Les actifs sont négociés en permanence en fonction de l’évolution possible de leur valeur de marché dans le futur proche. L’estimation de leur valeur à l’échéance compte beaucoup moins que de deviner à combien les évaluera le marché dans quelques mois, semaines, voire jours. Ce phénomène est comparable à l’impact des sondages instantanés sur la politique. La rémunération des directeurs et des directeurs généraux est fondée sur les résultats à court terme. Les normes en matière comptable reposent sur le principe du cours du marché, comme si la «vraie» valeur d’une entreprise était le prix auquel elle pourrait être liquidée aujourd’hui.

La diffusion du court-termisme n’est pas une tendance superficielle. Il faut la voir comme un élément d’un véritable changement anthropologique, provoqué par la dislocation soudaine des échelles du temps et de l’espace avec lesquelles nous vivons. En l’espace réduit de six ou sept générations (et bien plus rapidement à l’extérieur du monde occidental), une échelle, restée immuable dans les mentalités humaines pendant des millénaires, a soudain été transformée par la technologie. Celle-ci a en effet fait éclater le temps jusque-là nécessaire pour produire un bien, creuser un tunnel, déplacer les gens et les marchandises à travers la planète, fournir de l’information et faire un calcul. Par référence au proverbe qui existe dans toutes les langues (« le temps, c’est de l’argent »), nous pouvons qualifier ce changement d’octroi d’une valeur très élevée à une forme monétaire particulière, le temps. En termes de quantités à manufacturer, de transport ou de communication, la valeur d’une heure dans ce nouveau monde est aujourd’hui égale à celle que l’on accordait, dans l’ancien monde, à un mois, une année ou une décennie.

Le court-termisme est insidieux parce qu’il néglige les nombreux aspects de la vie humaine et de la réalité économique dans lesquels l’échelle du temps n’a pas changé. Il est possible qu’une perspective à court terme prolonge une bulle et retarde le moment où les fondamentaux économiques s’imposent eux-mêmes, mais elle ne peut pas prolonger indéfiniment ce qui n’est pas viable. Lorsqu’elle essaie de le faire, elle devient une forme d’illusion temporelle condamnée à un réveil difficile. Notre vitesse est passée de dix à cent miles à l’heure, mais nos phares éclairent toujours la même portion de la route. Or, lorsqu’ils ont enfin illuminé les obstacles sur notre chemin, nous avons découvert que nous n’avions pas le temps de freiner.

Apprendre à concilier la nouvelle et l’ancienne échelles du temps est une tâche qui ne relève pas seulement des individus et des institutions privées, mais qu’il faut aussi inscrire à l’agenda des politiques publiques. Certains lecteurs pensent peut-être que les carences dues au raccourcissement des horizons temporels sont un problème d’ordre privé. Une plus ample réflexion révèle cependant qu’il est justifié et de plus en plus nécessaire que les politiques publiques protègent contre le risque d’être privé d’avenir. Par exemple, le public a un rôle à jouer dans la protection des ressources naturelles et la gestion de la redistribution entre les générations ; il s’agit là d’externalités liées au temps, que les mécanismes ordinaires de marché ne sont pas capables de gérer. Après tout, l’objectif d’une constitution est aussi de défendre les futurs gouvernements contre le risque d’être privés de leurs prérogatives par le gouvernement actuel. S’occuper des pièges du court-termisme et réfléchir aux moyens institutionnels d’encourager un rapport plus équilibré entre considérations à court terme et à long terme dans le processus de décision économique et politique des acteurs privés comme publics est un défi majeur. Les événements des deux dernières années suggèrent cependant que l’on ne peut en faire l’économie. »

Tommaso Padoa-Schioppa
Traduit de l’anglais par Isabelle Hausser
Commentaire, numéro 125, Printemps 2009

 

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