Notice: add_custom_background est déprécié depuis la version 3.4! Utilisez add_theme_support( 'custom-background', $args ) à la place. in /opt/web/clients/m/modem/lesdemocrates.fr/public_html/wordpress_lesdemocrates.fr/wp-includes/functions.php on line 3573

Notice: add_custom_image_header est déprécié depuis la version 3.4! Utilisez add_theme_support( 'custom-header', $args ) à la place. in /opt/web/clients/m/modem/lesdemocrates.fr/public_html/wordpress_lesdemocrates.fr/wp-includes/functions.php on line 3573

Notice: add_shortcode est appelée de la mauvaise manière. Nom de code court invalide : flickr video. N’utilisez pas d’espace ou de caractères réservés, comme &, /, <, >, [, ou ]. Veuillez lire Débugger dans WordPress (en) pour plus d'informations. (Ce message a été ajouté à la version 4.4.0.) in /opt/web/clients/m/modem/lesdemocrates.fr/public_html/wordpress_lesdemocrates.fr/wp-includes/functions.php on line 3792
Sarkozy et le gaullisme sentimental | Le blog des democrates lillois
RSS Facebook Twitter
 

Sarkozy et le gaullisme sentimental

En ce jour de commémoration du 70e anniversaire de l’appel du 18 juin, je ne peux m’empêcher de reproduire un extrait de la préface du livre de Jean-Pierre Le Goff, La France morcelée (Gallimard-Folio, 2008). Ecrit en novembre 2007, ce texte est particulièrement d’actualité en ces jours où les hommes qui théorisent et légitiment les pires renoncements de la France vont tenter de se placer sous le parrainage d’un homme certes parfois critiquable (ne cédons pas à l’idolâtrie) , mais certainement d’une tout autre dimension politique et historique que ceux qui, aujourd’hui et dans les jours qui viennent, tenteront de s’approprier une partie de son courage et de son héritage.

Retrouver l’intégralité de ce texte sur le site du club de réflexion Politique Autrement, présidé par Jean-Pierre Le Goff

« Un gaullisme devenu sentimental

La comparaison de la politique menée aujourd’hui avec les conceptions de la modernisation et de la fonction présidentielle mises en œuvre aux origines de la Vè République permet de mesurer le changement opéré. Le gaullisme impliquait une certaine « idée de la France » liée à une vision épique de l’histoire. Face à un peuple inconstant et qui commet souvent des fautes, l’exigence gaulliste impliquait une certaine idée aristocratique de la grandeur : la médiocrité est un trait « anormal », le génie de la France est toujours préservé pourvu que de grands hommes sachent l’incarner et le faire revivre : « Le côté positif de mon esprit me convainc que la France n’est réellement elle-même qu’au premier rang ; que seules, de vastes entreprises sont susceptibles de compenser les ferments de dispersion que son peuple porte en lui-même ; que notre pays, tel qu’il est, parmi les autres, tels qu’ils sont, doit sous peine de danger mortel, viser haut et tenir droit [6] »

Cette idée de la France s’est trouvée très vite mise à mal par les effets sociaux et culturels de la modernisation entamée depuis la fin de la seconde guerre mondiale. S’« il est vrai que, face aux grands périls, le salut n’est que dans la grandeur [7] », la situation de la France après la fin de la guerre d’Algérie ne paraît plus en péril et l’idée de grandeur semble passablement effacée au profit du développement du bien-être et de la consommation. Les aspirations nouvelles présentes au sein de la société et le développement des grands moyens de communication cadrent mal avec le caractère sacré de l’État gaullien, sa conception de la grandeur et de l’histoire. Mai 68 est précisément au cœur de cette contradiction.

(…) Aujourd’hui, le gaullisme originel est bien mort. Il s’est redéployé sous une forme nostalgique et sentimentale pendant la campagne électorale et il peut toujours servir de supplément d’âme à l’activisme présidentiel. Mais les idées gaullistes ne sont pas sans importance en regard du présent marqué par l’activisme des réformes et l’érosion des institutions.

Décrivant dans une conférence, la façon dont le général de Gaulle envisageait la modernisation de la France [9], Egard Pisani qui fut son ministre de l’agriculture, a développé une comparaison imagée particulièrement signifiante. Il parlait d’un homme qui voyage en avion. Celui-ci sait d’où il part et il connaît la destination qu’il a choisie. Le paysage qui défile devant lui à travers le hublot, disait-il en substance, c’est la France en train de changer et il y a un pilote dans l’avion qui sait vers quelle destination il amène ses passagers. On ne demande pas au pilote, et moins encore à ceux qui voyagent, d’être des mécaniciens et de réparer le moteur… À l’époque, la modernisation de la France est menée dans le cadre du développement économique des Trente glorieuses, l’État-providence se porte bien, l’internationalisation des échanges demeure encore limitée et la nation apparaît comme alors comme un cadre suffisamment protecteur… On ne reviendra pas en arrière, les conditions historiques ne sont plus les mêmes et les défis différents, mais on peut estimer que l’absence de « destination », de vision historique, la difficulté à insérer les réformes nécessaires dans un avenir discernable renforcent le malaise français et européen.

Dans la conception gaullienne, le président de la République dans la mesure où il représente et incarne l’unité politique de la nation, se place au-dessus de la société, de ses querelles et de ses humeurs. Une telle conception implique à la fois une dimension démocratique (par le fondement de sa légitimité basée sur le suffrage universel) et aristocratique par le type de vertu qu’elle exige liée à la nature de la fonction présidentielle qui a sa propre dignité. Celle-ci suppose un type d’homme politique plutôt rare : « D’une intégrité qui confine parfois à l’ascétisme, ils sont trop aristocratiques pour nourrir un attachement au pouvoir et un goût de la popularité à bon marché [10]. » Au-delà du caractère « sacré » de l’institution et de l’idée du recours à l’homme providentiel qu’a pu développer le gaullisme, cette conception de la présidence de la République n’en traduit pas moins l’exigence d’une distance nécessaire avec la société qui permet précisément au chef de l’État non seulement d’être doté de moyens d’action, mais de se placer « au-dessus des fluctuations », de sauvegarder l’unité et d’être un recours possible face aux divisons et aux conflits de la société[11].

Par-delà, les formes historiques particulières que cette fonction peut prendre, elle nous paraît fondamentalement reposer sur une dimension anthropologique de l’existence sociale : toute collectivité humaine a besoin d’une instance qui se détache d’elle pour figurer sa cohésion et sa perpétuation, pour se penser comme sujet collectif capable d’agir ; l’écart entre le pouvoir et la collectivité, la dissymétrie entre dirigeants et dirigés sont constitutifs de la vie en société. Qu’en est-il lorsque le président évolue sur la crête de la vague victimaire et sature l’espace de sa seule présence en espérant recoudre les morceaux de la société ? L’activisme du nouveau pouvoir marque l’accélération d’une fuite en avant, clôturant par là-même un cycle politique sans que se manifeste un renouveau. Si la politique menée connaissait l’échec, il en résulterait un plus grand chaos dans le pays. Cette nouvelle épreuve serait-elle salutaire dans l’optique d’une reconstruction ?

Novembre 2007

Jean- Pierre Le Goff, La France morcelée, Gallimard-Folio, 2008, p. 12 à 17, et p. 22 à 25.

Notes

[6] Charles de GAULLE, Mémoires de guerre, L’appel 1940-1942, t.1, Plon, Paris, 1954, p.1.

[7] Ibid., p. 41.

[9] Edgard PISANI, « De Gaulle et la modernisation de la France », Cahier de Politique Autrement, octobre 1998.

[10] Giuliano PROCACCI, cité par Edouard BALLADUR, Laissons de Gaulle en paix, Fayard, Paris, 2006, p. 64

[11] Marcel GAUCHET, « La dette du sens et les racines de l’État », Libre, n° 2, Petite bibliothèque Payot, Paris, 1977, repris dans La condition politique, Gallimard, Paris, 2005.

 

Les commentaires sont fermés pour cet article !